Le 5 juillet 2023, nous écrivions qu’à l’occasion de la publication par la FSMA de son rapport annuel 2022, Jean-Paul Servais, le président de la FSMA, avait donné un webinaire mettant l’accent sur les futurs projets de la FSMA. Parmi ces projets, trois idées étaient particulièrement pertinentes pour les sociétés cotées : l’obligation d’avoir au moins trois administrateurs indépendants, l’approbation par les actionnaires des transferts d’actifs importants et l’interdiction d’exercer un mandat d’administrateur de société cotée pour ceux ayant fait l’objet de certaines condamnations. La FSMA avait soumis une proposition au gouvernement belge en vue de mettre en œuvre ses trois propositions.
Ce 4 décembre 2023, le gouvernement a déposé à la Chambre des représentants un projet de loi s’inspirant notamment des propositions émises par la FSMA.
1. Au moins trois administrateurs indépendants
En vertu du Code belge de gouvernance d’entreprise 2020, les sociétés cotées doivent avoir au moins trois administrateurs indépendants. La FSMA souhaitait renforcer la position des administrateurs indépendants et estimait que cette recommandation non contraignante devait être consacrée par une loi contraignante.
Les administrateurs indépendants jouent un rôle important, notamment dans le cadre des transactions entre parties liées, et selon le gouvernement il convient de renforcer leur position. Pour ce faire, le gouvernement propose d’obliger les sociétés cotées à avoir au moins trois administrateurs indépendants.
Si pour quelque raison que ce soit, la composition du conseil d’administration ne répond pas ou plus à cette exigence, la première assemblée générale qui suit devrait constituer un conseil d’administration qui y est conforme (sans qu’il soit porté préjudice à la régularité de la composition du conseil d’administration jusqu’à cette date) ; toute autre nomination serait nulle. Si après cette assemblée générale, la composition du conseil d’administration n’est pas conforme, tout avantage, financier ou autre, revenant aux administrateurs sur la base de leur mandat, serait suspendu à partir de ce moment et ce, jusqu’au moment où la composition du conseil d’administration sera à nouveau conforme. Ces sanctions proposées sont identiques à celles applicables en cas de non-respect du quota de genre.
En outre, lorsque le conseil d’administration soumet au vote de l’assemblée générale la nomination d’un administrateur indépendant, celui-ci doit confirmer expressément ne pas avoir d’indications de douter de son indépendance ou, s’il en a, expliquer ces indications et pourquoi il estime que cet administrateur est néanmoins indépendant.
2. Approbation par les actionnaires des cessions d’actifs significatifs
Contrairement à d’autres juridictions, le droit belge des sociétés ne requiert actuellement pas l’intervention des actionnaires dans l’hypothèse d’un transfert d’actifs significatifs. La FSMA proposait dès lors d’introduire un système d’approbation (ou au moins de consultation) des actionnaires des sociétés cotées pour tout transfert d’actifs significatifs.
Le gouvernement suit la FSMA également sur ce point et propose que si une cession d’actifs concerne 3/4 ou plus du total des actifs, elle devrait être approuvée en amont par l’assemblée générale des actionnaires. Ce seuil serait évalué par rapport aux derniers comptes annuels publiés, ce qui signifie qu’il conviendrait de prendre en compte la valeur comptables des actifs (plutôt que leur valeur réelle). Si la société cotée publie des comptes consolidés, le seuil doit également être calculé sur la base des actifs consolidés. L’approbation serait dès lors requise si le seuil est franchi au niveau de la société cotée elle-même, au niveau consolidé du groupe ou aux deux niveaux. De plus, les cessions d’actifs effectuées dans les douze mois (et non approuvées par l’assemblée générale) seraient additionnées à la cession envisagée pour calculer le seuil d’application, sans qu’aucun seuil de minimis ne puisse être pris en compte au niveau de la cession individuelle.
A peine de nullité, l’organe d’administration devrait justifier la cession proposée dans un rapport circonstancié mentionné dans l’ordre du jour et mis à disposition des actionnaires.
Aucun quorum de présence ne serait applicable lors de l’approbation par l’assemblée générale. La décision serait prise à la majorité simple des voix, sans qu’il soit tenu compte des abstentions dans le numérateur ou dans le dénominateur.
La cession ne devrait pas être soumise à l’examen de la FSMA.
3. Les administrateurs de sociétés cotées ne peuvent pas avoir fait l’objet d’une condamnation pour certaines infractions
Le gouvernement propose qu’à l’instar des interdictions en vigueur pour les administrateurs d’établissements de crédit ou d’autres établissements réglementés, les personnes condamnées pour certaines infractions pénales graves (comme le blanchiment de capitaux, le délit d’initié et de corruption) ne puissent pas exercer la fonction d’administrateur de sociétés cotées.
D’après le gouvernement, cette interdiction professionnelle contribuerait à renforcer la confiance placée dans le système financier en général et à préserver la réputation et l’intégrité des sociétés cotées.
L’article 20 de la loi bancaire liste les infractions justifiant une telle interdiction professionnelle et fixe la durée d’application de celle-ci. L’interdiction professionnelle serait effective pendant 20 ans en cas de condamnation à une peine d’emprisonnement de plus de 12 mois, ou pendant 10 ans en cas de condamnation à une peine d’emprisonnement de moins de 12 mois, à une amende ou à une peine avec sursis.
Cette interdiction professionnelle s’appliquerait tant aux sociétés cotées au sens strict du terme, qu’aux sociétés dont certaines valeurs mobilières autres que les actions (p.ex. des obligations) sont admises aux négociations sur un marché réglementé.
Entrée en vigueur
Une fois approuvée, la nouvelle loi entrerait en vigueur le dixième jour après sa publication au Moniteur belge.
L’obligation d’avoir au moins 3 administrateurs indépendants quant-à-elle serait applicable à compter du premier jour du deuxième exercice commençant après la publication au Moniteur belge. En d’autres termes, si la loi est (approuvé et) publiée en 2024, les sociétés cotées (dont l’exercice commence le 1ier janvier) auraient jusqu’au 31 décembre 2025 pour se conformer à cette nouvelle exigence.