Transposition en droit belge de la directive Solvabilité II

Spotlight
15 décembre 2015

Ce 30 octobre dernier, le Conseil des ministres a approuvé et a transmis pour avis au Conseil d'Etat un avant-projet de loi afin de moderniser le cadre de contrôle prudentiel des entreprises d'assurance et de réassurance. Cet avant-projet vise à transposer en droit belge la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 (dite "Solvabilité II"), telle que modifiée par la directive 2014/51/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 (dite "Omnibus II").

La future loi devrait entrer en vigueur au plus tard ce 1er janvier 2016 afin de se conformer à la directive.

Le contexte

Avant l'adoption de la directive Solvabilité II, le contrôle prudentiel des entreprises d'assurance et de réassurance résultait d'un ensemble de treize directives. Ce régime, dit "Solvabilité I", a essentiellement été transposé en droit belge dans la loi du 9 juillet 1975 relative au contrôle des entreprises d'assurance, l'arrêté royal du 22 février 1991 portant règlement général relatif au contrôle des entreprises d'assurances et la loi du 16 février 2009 relative à la réassurance.

Sur le plan financier, le régime Solvabilité I s'articulait, de façon assez sommaire, autour de trois grands axes:

  • les entreprises d'assurance et de réassurance devaient constituer des provisions techniques et mathématiques, reflets des engagements de l'assureur envers les preneurs d'assurance;
  • les fonds propres devaient atteindre un seuil minimal, appelé marge de solvabilité; et
  • les entreprises d'assurance et de réassurance avaient enfin l'obligation de constituer un fonds de garantie.

Régime Solvabilité II

La directive 2009/138/CE du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice ("Solvabilité II") a profondément modifié ce régime en suivant, au départ, l'exemple de "Bâle II" qui a été appliqué aux banques. La directive Solvabilité II abroge et remplace les différentes directives du régime Solvabilité I.

Le régime Solvabilité II repose essentiellement sur trois piliers:

  • les exigences quantitatives (le calcul des provisions techniques et des fonds propres et les règles d'évaluation des actifs);
  • les exigences qualitatives (le suivi des risques en interne); et
  • la transparence et l'information à l'égard de l'autorité de contrôle et du public (le reporting).

La transposition de la directive Solvabilité II doit avoir lieu au plus tard pour le 1er janvier 2016. Dans l'intervalle, les entreprises d'assurance et de réassurance ont déjà dû, lors d'une longue phase préparatoire, répondre à des QIS ("Quantitative Impact Study") pour mesurer l'impact des nouvelles règles sur leur bilan. En outre, des possibilités de pré-application du nouveau régime ont été aménagées, moyennant l'autorisation préalable de la BNB.

L'avant-projet de loi

Un avant-projet de loi relative au statut et au contrôle des entreprises d'assurance ou de réassurance a été approuvé par le Conseil des Ministres le 30 octobre 2015 et transmis au Conseil d'Etat. Il vise à transposer les règles de la directive Solvabilité II en droit belge.

Certaines règles, qui ont trait à la protection du consommateur, ont déjà fait l'objet d'une transposition dans la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances et certaines règles concernant la gouvernance des entreprises d'assurance ont été transposées dans une loi du 25 avril 2015 portant des dispositions diverses.

Quant au contenu dudit avant-projet, le législateur ne fait pas usage de l'option conférée par la directive lui permettant d'exempter les petites entreprises d'assurance, mais a préféré prévoir un contrôle adapté à leur taille et aux faibles risques qu'elles présentent.

En outre, l'avant-projet prévoit le maintien, en cas de liquidation de l'entreprise d'assurance ou de réassurance, du privilège de l'assuré sur les valeurs représentatives des provisions techniques, ainsi que du privilège subsidiaire de celui-ci sur l'ensemble des actifs de l'entreprise d'assurance. Le rang de ce second privilège se voit toutefois rehaussé.

Pour le surplus, les principales innovations de cet avant-projet concernent les conditions d'exercice de l'activité d'assurance ou de réassurance (y compris la gouvernance et la gestion des risques).

Conditions générales de fonctionnement

Toute entreprise d'assurance ou de réassurance devra procéder annuellement à une évaluation interne des risques et de la solvabilité ("ORSA" – "Own risk and solvency assessment") et en communiquer les résultats à la BNB.

Normes et obligations réglementaires

L'avant-projet introduit un changement important sur le plan des règles d'évaluation des actifs des entreprises d'assurance et de réassurance en ce qu'il prévoit le principe de la valorisation de tous les actifs et passifs (en ce compris les provisions techniques) à leur valeur de marché ou, le cas échéant, de transfert.

En ce qui concerne les fonds propres, les notions de marge de solvabilité et de fonds de garantie du régime Solvabilité I s'effacent au profit des notions de capital de solvabilité requis ("SCR" – "Solvency capital requirement") et de minimum de capital requis ("MCR" – "Minimum capital requirement"). Dans l'avant-projet, le capital de solvabilité requis peut être calculé au choix de l'entreprise selon une formule standard ou selon un modèle interne à l'entreprise qui aura été préalablement approuvé par la BNB. En revanche, pour le calcul trimestriel du minimum de capital requis, seule la formule standard pourra être utilisée jusqu'au 31 décembre 2017. Passé cette date, les entreprises d'assurance et de réassurance auront également la possibilité d'utiliser un modèle interne.

Par ailleurs, l'avant-projet de loi prévoit, en ce qui concerne les investissements, l'application du principe de la personne prudente et opère en cela une rupture importante avec le régime antérieur qui réglementait la nature et les quotas de ces investissements.

Plans de redressement

L'avant-projet confère à la BNB la faculté d'exiger de certaines entreprises d'assurance que celles-ci établissent un plan de redressement qui serait mis en œuvre en cas de détérioration significative de leur situation financière. Le cas échéant, ce plan devra être soumis à son approbation.